Monologue du cheval

Performance théâtrale

En création

Création le 2 décembre 2023 à 18h30 au Collectif 12 – Mantes-la-Jolie

Texte et mise en scène Catherine Boskowitz
Interprétation Marcel Mankita
Production Cie ABC, avec le soutien du Collectif 12 à Mantes-la-Jolie

Extrait du texte : 

Le Cheval :

Porté par la fumée des âmes Kanak, je fends l’air et survole le Pacifique jusqu’à la terre américaine, cette fois-ci au nord, pour rejoindre un semble-frère d’Andia, Go Khla Yeh, chaman lui aussi, plus connu sous le nom de Géronimo. En cette fin du siècle XIX, les batailles perdues des natifs des terres spoliées aux quatre coins du monde, forment déjà le récit-socle des siècles à venir. Go Khla Yehn’a nul besoin de moi pour écrire l’histoire ni même pour lui servir de monture, il entraîne sur son sillage des milliers de chevaux, dont un, une femelle aux flancs étroits qui deviendra mon guide et me conduit plus tard dans les rouges prairies et les horizons de maïs de l’état de San Luis Potosi au Mexique d’où nous verrons passer les bandes de péons, en guenilles mais armés, réunis au son de trois syllabes qui sonnent comme une java « ZA PA TA, ZA PA TA ». 
Elle m’apprend la femelle-cheval, à reprendre mon souffle, à me tenir en veille sans perdre le sommeil, à rester loin du feu tout en participant aux bringues des villageois qui fêtent leurs victoires et les champs retrouvés, à voler avec elle les pommes de leurs vergers, à décider un jour d’accompagner le trouble et un autre, plus tard, à le laisser passer. Elle m’apprend à apprendre les nouvelles de loin, à laisser la Russie s’élever en 17, à choisir les étapes comme chacun des combats et c’est ainsi qu’un jour de 1919, nous rejoignons Rosa sur un mur de Berlin.
Silence. 

Rosa sait ce qu’est une bête et que toutes ont une pensée sur les hommes.

Le cheval de Toussaint Louverture

De mes mains est né le cheval. J’ai tordu le grillage, déchiré le papier et l’ai collé sur le plâtre de son encolure, j’ai enfilé en son corps de longs fers à béton, j’ai glissé un bouquet à son entre-cuisses, j’ai coincé des cailloux aux extrémités des jambes pour tailler ses sabots, j’ai passé un câble de sa tête à la queue pour le tenir debout.   Une fois dressé sur le sol, il a fallu qu’il parle.
Alors j’ai écrit un texte et lui ai demandé de le dire par la bouche de l’acteur Marcel Mankita.

L’histoire de ce cheval est celle d’un galop à travers les siècles qui, de révolution en révolution, arrive jusqu’à nous en 2023. 
Je le rencontre aujourd’hui sur un rond-point. 

Il conte, le Cheval, comment après avoir accompagné son maître, Toussaint Louverture*, dans toutes ses batailles, il a pris son envol – car c’est un cheval magique – et parcouru les continents pendant trois siècles, de Dublin à La Paz, en passant par Madrid, de  Borj-bou-Arreidj à Djakarta en passant par Paris, Berlin, Nouméa, Mexico, Brazzaville…

Il conte, le Cheval, comment les révolutions s’inventent, se réinventent, ne cessant d’inspirer les suivantes…quelques soient leurs issues.

Il conte, Le Cheval, tout animal qu’il est, la formidable force à faire prendre forme aux idées.

 * Meneur de la révolution de Saint Domingue dès 1791, a mis fin à l’esclavage sur l’île (actuellement nommée Haïti), puis déporté par Napoléon au Fort de Joux dans le Jura, est mort au fond d’un cachot en 1803. 

Photo Pierre Bongiovanni

Récemment, il a débarqué en Algérie. J’y étais. Je tentais d’écrire une pièce de théâtre sur les révolutions et pistais les traces de ce qui restait du « mouvement », le Hirak, qui s’était déployé du 22 février 2019 à novembre 2020 dans toutes les rues de ce pays. C’est au milieu du désert que j’ai rencontré le cheval. Je l’ai suivi quelques temps le long des oueds, par les villages et les villes que nous traversions. C’est lui qui m’a guidée et, à travers ses yeux, j’ai pu saisir par bribes ce que je cherchais. C’est ce que l’exposition « Le Cheval de Toussaint  Louverture en Algérie » raconte ici.

Site du Chameau – Maison Laurentine – août 2023